Florence (technique)
Horloge à billes
Cette horloge fut construite pour reprendre et améliorer le meilleur de l’Anachrone, car il fallait optimiser ce moteur qui fonctionnait si bien. Après plusieurs mois d’essais sur un prototype, j’ai réussi à le simplifier pour tirer assez d’énergie de la chute d’une bille de manière à mouvoir le balancier durant une heure. Soit 3599 fois mieux que l’Anachrone. Puisque c’était possible, il fallait commencer…
Le châssis devait impérativement être triangulaire pour éviter toute torsion due au passages du balancier. (un châssis rectangulaire accuse 0,01 millimètre de torsion par oscillation, ce qui annule rapidement toute l’inertie du balancier). La grandeur fut déterminée par la longueur du balancier, et le cadran devait tenir dans un bol à mélanger la salade. Les matériaux choisis furent l’acier inoxydable et un peu de laiton pour réchauffer l’œil. Les tiges du balancier sont en invar. La remontée d’une bille se fait de la manière suivante: une tige pousse la bille du fond et la force à passer à travers cinq autres disposées en cercle. Puis elle pousse une petite colonne de 7 billes dans un tube de verre. Ce faisant, les 5 billes se referment derrière elle et l’empêchent ainsi de redescendre. La septième bille (celle qui se trouve au sommet du tube de verre) part dans un labyrinthe formé de 4 grilles et de 4 clous. Ce faisant, elle pousse chaque fois le balancier dans le sens de l’oscillation, et va se poser au fond du mécanisme où elle attendra une heure. L’ordre de la remontée sera alors donné par un capteur optique chaque fois que l’aiguille des minutes se trouve à la verticale. Un autre capteur optique compte les passages du balancier et envoie ses impulsions à l’aiguille des secondes.
Commencée en mai 1999, elle commença à tourner en novembre, après six mois de travail.
La précision obtenue est de l’ordre d’une seconde de décalage par mois.
« C’est évidemment ma préférée, car elle reprend le meilleur de l’Anachrone et le simplifie à outrance. Ce système de moteur me donne une liberté incroyable: je peux maintenant fabriquer une pendule avec n’importe quel support. Pièces d’hélicoptère, de moto, d’imprimante, tout m’est devenu permis. Cette horloge marque ainsi un pas et ouvre beaucoup d’horizons. Par contre, il n’y a que très peu de pièces de récupération. Deux plats à salade en inox, une planche en acajou, rien de plus. Tout le reste fut usiné dans la masse. Mais pourquoi récupérer des plats? Simplement car je manque d’outillage et parce qu’usiner l’arrière du cadran m’aurait pris au moins deux jours si j’avais dû le tailler dans un lingot d’inox. »
Quelques notes sur la précision
Cette horloge n’avait pas été conçue à l’origine pour être précise, mais pour pouvoir fonctionner avec un moteur unique au monde. La première surprise fut de voir qu’elle fonctionnait parfaitement une fois les niveaux réglés. La deuxième surprise, qui advint après une année et demie de tests, fut de voir qu’elle pouvait avoir une dérive de l’ordre de 4 secondes par mois, voire moins. Je pourrais la rendre plus précise en carrossant l’horloge, mais l’esthétique en souffrirait.
Sur le graphique ci-dessous, nous pouvons voir tout ce qui se passe en 1.8 heures, à raison d’une mesure toutes les dix secondes.
Au début du graphique, le balancier est trop rapide: il bat à 0.999900 seconde. Il accélère de plus en plus durant dix minutes pour arriver à 0.999827 jusqu’à ce que tombe la bille des heures, ce qui produit le premier pic. Le balancier ralentit brusquement de 300 millionièmes de secondes, puis se met à accélérer en faisant une vague toutes les deux minutes. Ces vagues onduleront durant une heure entière en s’affaiblissant peu à peu jusqu’à l’arrivée de la bille de l’heure suivante. Le seul moment où le balancier bat la seconde exacte se situe donc exactement à mi-chemin entre deux heures pleines, à savoir la demi-heure. Ce qu’on ne voit pas sur cet échantillon sont les perturbations produites par mes déplacements autour de l’horloge (je n’était pas dans l’atelier à ce moment-là). Elles peuvent produire des pics ou des creux allant jusqu’à 15 millionièmes de secondes.
Ci-dessous, nous pouvons voir le même échantillon étalé sur 2,2 jours, toujours à raison d’une mesure toutes les dix secondes.
Chaque pointe de zig-zag représente une bille des heures qui tombe. Le balancier slalome donc chaque heure autour de la seconde. Toutes ces pointes calculées nous donne une instabilité de 7 secondes par jour. Ce serait intolérable pour une horloge normale, mais pas pour Florence, qui est conçue pour l’intégrer. Cette échantillon nous montre que la moyenne du temps est rigoureusement de 1 seconde, et calcule une moyenne annuelle d’erreur de 0.0 secondes !!! Cet échantillon est évidemment exceptionnel, car le simple fait de se promener autour de l’horloge fausse légèrement les mesures. Si l’on inclut les perturbations, la précision peut atteindre quatre secondes par mois.
Phaeno Science Museum, Wolfsburg (Germany)
Exhibition from December 2017 to February 2019