L’Anachrone

Horloge à billes

Copyright Chris Morgan.

C’est une horloge mécanique dont chaque fonction est assurée par des billes.

Le moteur du balancier:
Chaque bille qui tombe pousse par sa propre pesanteur le balancier dans le sens de l’oscillation. Comme le balancier fait un mètre de longueur, il libère donc une bille par seconde.
Elle tombe sur l’aiguille de l’échappement quand le balancier est en position verticale, roule à droite quand le balancier se trouve à droite. La suivante roule elle à gauche, et ainsi de suite…
Arrive alors le premier problème à résoudre: éviter que le poids de toutes les billes en amont de la rampe n’influencent la précision du moteur. C’est pourquoi elles arrivent par derrière à angle droit. La pesanteur de toutes les billes en amont vient alors se perdre contre une butée. Il fallut ainsi accumuler cinq butées à angle droit pour mieux répartir le couple de pression.


Le balancier:
Pour faire démarrer l’horloge, il suffit de libérer le balancier de manière à ce que l’oscillation initiale soit assez ample pour laisser passer une bille. On le lâche, et c’est tout. Cette fonction est confiée à un levier qui permet un premier balancement parfaitement dans l’axe du pendule.
Dès qu’on lâche le balancier, celui-ci se retrouve mû par les billes des secondes. L’oscillation s’amplifie peu à peu pour se stabiliser après dix minutes. Le gain d’amplitude est d’environ deux centimètres et ne varie plus.
La base de temps est donnée par la longueur du balancier. Le balancier lui-même fut usiné dans un lingot de laiton de 17 kilos pour assurer assez d’inertie. Le réglage grossier s’effectue en vissant ou dévissant la vis supérieure, ce qui lève ou baisse l’ensemble de la masse du balancier. Le réglage fin se fait en vissant ou dévissant la petite masselotte graduée au fond.


Le châssis:
Sa grandeur fut déterminée par la grosseur des billes: soixante billes de 20 millimètres font un total incompressible d’un mètre vingt. Ajoutons trente centimètres en haut pour l’échappement du moteur, vingt encore plus haut pour la réserve de billes, dix pour les lunaisons et cinquante dessous pour toute la mécanique du fond. Ce qui nous fait un minimum de deux mètres vingt de hauteur.


La quête de la minute perdue:
Une bille tombe chaque seconde dans un tube pouvant en contenir 59. La soixantième bille des secondes roule donc sur les cinquante-neuf autres, entame la chute qui lui donnera assez d’énergie pour pouvoir débloquer la vanne du fond. En chemin, elle actionne un levier qui bloque momentanément l’arrivée des secondes pour éviter que les billes entrantes ne se mélangent aux sortantes, continue alors sa course, chute d’un bon mètre pour frapper un levier et libérer ainsi les cinquante-neuf secondes. Là, l’énergie de toutes ces secondes perdues est récupérée pour débloquer une bille en attente en amont de l’échappement. Celle-ci tombe sur le levier qui bloquait l’entrée des secondes, en les libérant par la même occasion. Puis elle roule dans le tube des minutes. C’est aussi simple que cela.
Le même processus se reproduit pour les heures : la bille surnuméraire roule sur les 59 minutes, tombe et prend assez d’énergie pour les débloquer, puis leur poids sur la vanne du fond libère une bille en attente qui va tomber dans le tube des heures.
Le dernier problème à résoudre pour les jours de la semaine et les lunaisons était de récupérer assez d’énergie de la chute des vingt trois heures de minuit pour actionner, par des leviers et un contrepoids, le disque des jours de la semaine et la boule des lunaisons.


La remontée des billes:
Le principe retenu demanda finalement beaucoup plus de travail que tout le reste car il fallait qu’il soit simple, fiable et ne devait surtout pas prendre de place. J’optais alors de faire rouler les billes dans un cylindre creusé de trois gorges et cerclé par un ressort. Plus de problème de blocage, un encombrement réduit et une fiabilité à toute épreuve.


La régulation du surplus de la rampe:
D’autres soucis pointaient maintenant leur nez. Car si les billes montaient de manière aléatoire, il fallait réguler leur nombre de manière à ce qu’il y en ait toujours assez dans la rampe en amont de l’échappement mais pas trop. Il faut donc qu’il y ait un peu plus de soixante billes montantes par minutes et laisser échapper le surplus par un trou de régulation. Voici le système retenu: quand la rampe n’est pas complètement pleine, les billes passent dans une courbe sans s’arrêter à cause de leur force centrifuge. Quand elle est pleine, elles rebondissent et tombent dans le ressort spiral de descente jusque dans le bac du fond. Là encore, c’est la force centrifuge qui les force à tourner dans le ressort. Le nombre total de billes de l’horloge est déterminé à minuit, quand toutes les éprouvettes des heures, minutes et secondes sont pleines (144 billes). Nous avons aussi environ 210 billes dans le ressort spiral de montée et il faut encore assurer une réserve de 100 billes dans la rampe, ce qui nous fait un total de 450 billes.


Lunaisons et jours de la semaine:
Les cycles de la lune et le changement des jours de la semaine sont effectués en récupérant l’énergie de la chute des 23 billes des heures à minuit. En tombant, elles poussent un levier qui s’occupe de toutes ces fonctions. Le retour du levier est assuré par un contrepoids réglé de manière à être à peine plus léger que la somme des 23 billes. Les jours de la semaine, les lunaisons et la remontée des billes sont les seules pièces en rotation de toute l’horloge.


La remise à l’heure:
Toute horloge doit avoir un remontoir pour pouvoir la remettre à l’heure, passer à l’heure d’été, etc. Sur celle-ci, ce sont huit petits leviers qui ont pour tâche d’assurer ces huit fonctions différentes:


1) Débloquer les secondes.

2) Vider les secondes

3) Ajouter une minute

4) Débloquer les minutes

5) Vider les minutes

6) Ajouter une heure

7) Vider les heures

8) Avancer les jours et les lunaisons


Pour vider les secondes, il faut d’abord pouvoir les débloquer. Pour cela, on pèse sur le petit levier n°1 (débloquer les secondes) qui appuie au même endroit que la bille des minutes. Si l’éprouvette des secondes est pleine, le poids des billes est supérieur au contrepoids et elles vont donc se vider toutes seules. Mais ceci ne se produira pas si, par exemple, l’éprouvette est à moitié pleine. Donc le levier n° 2 (vider les secondes) s’occupera de compenser ce manque de poids. La fonction n° 3 (ajouter une minute) devient un peu plus compliquée car elle va se greffer sur celle du déblocage de la bille des minutes. Il fallut donc construire un embrayage (à billes, bien sûr) dans l’axe de la vanne des secondes, puis une transmission de l’effort mécanique de la manette. Quand l’horloge tourne et que la vanne des secondes s’ouvre, la manette des ajouts de minutes tourne aussi. Par contre, si on l’actionne manuellement, la vanne ne s’ouvrira pas à cause de l’embrayage. Les fonctions 4, 5 et 6 (débloquer les minutes/vider les minutes/ajouter une heure) reproduisent exactement le même schéma et n’ont donc plus besoin d’être expliquées. La septième fonction (vider les heures) est la plus simple de toutes car la mécanique est différente et il n’y a plus rien à ajouter après les heures. (Les braves qui ont tout lu, dont cette phrase, méritent vraiment toute mon admiration: respect.) …Quand au huitième bouton, (avance des jours et lunaisons), il ne fait que simuler le poids de la chute des 23 billes de minuit.

Copyright Chris Morgan.