Leon (technique)
Pendule de Foucault et horloge
Les pendules de Foucault courts (moins de 1 mètres) sont rarissimes de par le monde car les problèmes rencontrés lors de leur construction deviennent rapidement insurmontables. Les pendules longs sont infiniment plus faciles réaliser en comparaison. Le premier problème est la suspension. Elle se doit d’être parfaite, sans quoi le pendule choisira le plan qui lui est le plus favorable et s’y maintiendra. Le fil d’acier ne doit pas avoir de tensions internes, doit être parfaitement droit, et parfaitement sphérique. La fixation aussi devrait être parfaite: les classiques petits mandrins de précision à 3 ou 4 mors ne suffisent pas car ils doivent encore être soigneusement polis. Le deuxième problème est la précession de l’ellipse. Ce phénomène ne se retrouve que très amoindri sur les grands pendules et n’entre pas en ligne de compte lors de leur construction. Sur les pendules de moins de 2 mètres, il provoque des forces plus importantes que l’effet de Foucault. Il doit donc être annulé, ou tout au moins réduit. Un moyen utilisé est d’intercaler un anneau de Charron sur le tiers supérieur du fil, anneau dont le diamètre intérieur devrait être parfaitement poli. Un pendule court ne peut pas fonctionner sans système de réduction la précession de l’ellipse. Ce sont tous ces phénomènes mis ensemble qui font qu’un pendule de Foucault de moins de 1 mètre tient presque du miracle. Le temps passé à l’usinage et au montage ne dépassera pas le dixième du temps total, tout le reste étant perdu en réglages. Et comme chaque nouveau réglage impose une attente minimale de 16 heures pour voir les résultats… |
Ce pendule à une période d’oscillation réglée à une seconde. J’utilise ce phénomène pour faire tourner l’aiguille des secondes, qui entraîne celle des minutes et des heures. Le fait d’user un pendule de Foucault comme horloge impose encore ces contraintes supplémentaires:
1) Pouvoir régler précisément la durée de la période,
2) Compenser les variations de longueur du pendule dues aux différences de température,
3) Stabiliser l’amplitude pour respecter l’isochronisme.
Le premier pendule de Foucault que j’avais conçu (Pestoline) usait d’un système ingénieux mais perfectible: le fil du pendule coulissait dans un trou et pouvait être réglé en amont, de la même manière qu’on accorde une corde de guitare. Mais le fait de le raccourcir ou de le rallonger changeait aussi la position de l’aimant par rapport à la bobine, variant ainsi la force de l’impulsion motrice. Ce qui faisait que régler finement la durée de l’amplitude tenait du sport. Sur ce modèle, le fil ne bouge pas: c’est le trou qui peut être monté ou descendu. Ce système permet même de régler la période du balancier pendant qu’il bouge sans perturber sa course, option qu’on ne retrouve pas sur les horloges classiques. La compensation de température est assurée par un bimétal situé au-dessus de l’ensemble. Les problèmes inhérents à l’usinage de l’anneau de Charron furent résolus par l’emploi d’un rubis. Le rond est ainsi parfait et l’usure nulle.
Mais pourquoi donc deux cadrans séparés? Celui de gauche indique l’heure donnée par le pendule, et l’autre est une horloge à quartz qui sert ici de référence. Donc voici enfin une horloge qui peut satisfaire tout le monde: les gens pressés liront toujours le cadran de droite car plus précis et les poètes se délecteront de celui de gauche (car ce qu’on aime vraiment chez les gens comme chez les choses, n’est-ce point justement l’ imperfection?) et les scientifiques, eux, liront attentivement la moyenne des deux. Ainsi, si par exemple l’aiguille des secondes du pendule retarde un peu un moment, elle va ensuite rattraper son retard 1/4 de révolution plus tard. Ce phénomène est dû à l’exentrage de l’anneau de Charron, et la moyenne de ces fluctuations est nulle. Donc cette horloge ne se règle pas comme une horloge normale, car une éventuelle excentricité de l’anneau de Charron provoque une accélération du passage du balancier qui sera invariablement suivie d’un ralentissement de même amplitude 1/4 de révolution plus tard. On doit donc régler la moyenne du temps d’une demi-révolution. Celle-ci variera en fonction de la latitude où se situe l’horloge. Dans mon atelier de l’époque situé à Sion, elle était de 16 heures 34 minutes et 14 secondes.
Les premiers tests révèlent une imprécision (perfectible par réglage de la hauteur du balancier) de moins d’une seconde par jour. Ceux qui veulent consulter les données ci-dessous peuvent me les demander. (Ces données ne peuvent être ouvertes qu’avec le logiciel MicroSet de Bryan Mumford)
Un court pendule de Foucault qui fonctionne tient presque du miracle: son installation doit être définitive. Il n’est pas possible de le prendre et de le faire fonctionner sans autre en plusieurs endroits différents, car les réglages de niveaux sont très précis et ne doivent plus être modifiés une fois que le pendule fonctionne correctement. Ces réglages peuvent prendre jusqu’à deux semaines lors de l’installation.
Echecs et prototypes
Tous mes essais n’ont pas étés concluants, loin de là! Trois prototypes vont être développés ci-dessous. Leur point commun est que je pensais qu’ils allaient tous fonctionner dès le premier essai… alors qu’ils n’ont jamais marché.
1) Suspension à cardan
C’est une suspension cardan composée de deux couteaux de balance Berkel reposant sur deux cages de roulements à billes, lui permettant des mouvements dans tous les sens. Si ce type de suspension est le meilleur pour les longs pendules, il est par contre très difficile à mettre en oeuvre sur un pendule court car cette suspension doit être parfaitement équilibrée. Pour ce faire, le bas de la suspension doit être sensiblement plus léger que le haut, de manière à ce que la suspension se remette droite d’elle-même. Les différences éventuelles de niveau peuvent alors se corriger à l’aide de petits poids, jusqu’à ce que la suspension soie verticale. Une autre manière de régler les niveaux est de déposer deux petit aimants sur les deux couteaux de la suspension. Le réglage se fait en éloignant l’aimant du centre de manière à bouger le centre de gravité. Quand cela est fait, on peut visser l’axe du balancier et commencer les essais. Ce prototype n’a jamais fonctionné correctement.
2) Suspension à fil de tungstène
Cette suspension utilise un fil de tungstène d’une épaisseur de 0.05mm. Il est quasi invisible, et tous ceux qui voient bouger ce balancier pensent que le pendule lévite. J’avais choisi un fil aussi mince pour tenter d’éviter toute tension interne pouvant influencer la rotation du pendule. Contre toute attente, et sans que je sache pourquoi, ce pendule ne fonctionna jamais. Tous les essais de réglage de niveaux et de rotation de la suspension furent infructueux.
3) Suspension à bille
Encore des prototypes qui ne fonctionnèrent jamais! Sur la première photo, on peut voir que la suspension est une bille de carbure de tungstène de 1mm reposant sur un lit de saphir. La suspension est libre d’aller dans n’importe quel sens. Pratiquement, il n’a jamais tourné comme il l’aurait dû. Ce prototype oscilla durant 9 mois sans qu’aucun réglage ne puisse l’influencer.
Sur la photo de dessous, on peut voir un autre essai selon le même principe. Il s’agit par contre d’une bille de roulement reposant sur une plaque d’acier. Les tentatives furent toutes aussi infructueuses que le prototype à bille de tungstène.
Les réglages des équilibres de la suspension ressemblent beaucoup à ceux du cardan. Il faut commencer par enlever le balancier complet et par alléger le plus possible la suspension. Le fond de la suspension doit obligatoirement être sensiblement plus lourd de manière à ce qu’elle se relève d’elle-même. Si elle ne se relève pas de manière parfaitement verticale, il faut modifier les équilibres en enlevant du poids à l’anneau de laiton. Pour ce faire, on meule simplement l’anneau du côté où il penche. (on peut voir les traces sur la photo)