MiniFoucault n° 23: données techniques.
Tiré de la présentation au colloque «pendule de Foucault», Fort St Père, Bretagne, le 4 mai 2024.)
«Et pourtant il tourne !»
Le modèle présenté ici un petit pendule de Foucault .
J’ai préféré le montrer lui plutôt qu’un autre car ses 19 centimètres exacerbent toutes les difficultés que l’on peut rencontrer sur les grands pendules. En outre, je l’ai conçu à l’origine pour une utilisation permanente en lui infligeant des contraintes jamais vues ailleurs : une longueur d’oscillation limitée à 2 centimètres minimisant d’autant l’effet de Coriolis. C’était là le prix à payer pour assurer sa longévité. Les quelques lignes ci-dessous dévoilent la partie technique du pendule en éludant soigneusement toute référence scientifique.
« Il n’y a pas que la longueur qui compte… »
Pendule de Foucault à oscillation entretenue par un électro-aimant alimenté par une pile de 1.5 volts autorisant trois ans d’utilisation continue. Châssis usiné dans un bloc de granit. Le bloc de suspension est un tour d’horloger. Le fil est une corde de guitare D’Addario PL008 de 0.18 mm, l’anneau de Charron un palier d’axe d’imprimante et l’aimant une bête terre rare de 5 mm. Le poids du pendule est de 1.4 kilos pour une amplitude d’oscillation inférieure à 1.5°. Sa longueur est de 19 centimètres, mais elle est prévue pour être réduite à 15 centimètres sans outils
Les enjeux :
Si l’on résume, un grand pendule supporte allègrement des erreurs de conception. Un pendule de moins de deux mètres en tolère beaucoup moins et demande en outre un anneau dit «de Charron» réduisant l’effet d’ellipse que sa petite taille induit. Un pendule de moins d’un mètre ne pardonne plus rien. Mais pour un pendule de 20 centimètres, l’échelle des soucis devient logarithmique: réduire sa longueur d’un seul centimètre double chaque fois le nombre de problèmes à résoudre. D’où le charme discret de la chose…
Les problématiques intrinsèques :
C’est un problème à douze inconnues qui sont toutes liées : bâclez-en seulement une et votre pendule ne tournera jamais. Il faut donc faire en sorte qu’elles puissent être toutes réglables séparément, pour la plupart sans outils.
1) La rigidité de la suspension.
Vitale dans tous les cas, cornélienne quand il s’agit d’un pendule sur pied. Pour le MiniFoucault, un millième de millimètre de torsion du châssis est suffisant pour ruiner définitivement l’expérience. Elle se mesure au comparateur.
2) Les niveaux.
Trois vis de réglages sont parfaites, quatre sont ingérables. C’est le rasoir d’Ockham de la stabilité : une chaise à trois pieds ne sera jamais bancale. Ils se mesurent à la bulle.
3) Le sens du fil.
Il doit pouvoir être complètement tourné sur lui-même. Si un pendule oscille sans rotation, tourner le fil de 15 minutes dans le sens horaire. Si la rotation ne suit pas, c’est que la vérité est ailleurs.
4) La hauteur du fil.
C’est toujours mieux quand elle peut être réglée. Dans le cas présent, le fil est juste guidé par la suspension mais pas serré dedans. La hauteur se règle donc en laissant glisser le fil à travers la suspension.
5) Le sens de la suspension.
Si le pendule oscille mais ne tourne toujours pas, il faut la tourner de 15 minutes dans le sens horaire. Si rien ne change, c’est que la vérité est encore ailleurs.
6) La longueur du pendule.
Elle se règle en dévissant une manette permettant de monter ou descendre la suspension. Elle ne se mesure jamais avec une règle, toujours avec une horloge.
7) La hauteur de de l’anneau de Charron.
Vitale. Il n’y a pas de règle absolue qui détermine sa hauteur, mais le fil ne devrait que le caresser. Elle dépend donc de l’amplitude de l’oscillation du pendule. Se règle elle aussi en dévissant une autre manette située à droite. Elle se mesure au pif.
8) Le centrage de l’anneau de Charron.
Vital.
9) Centrage et rotation de l’électro-aimant.
Vital.
10) Le centrage de l’aimant.
Peu important, mais tellement agréable.
11) La hauteur de l’aimant.
Pas vitale, mais si pratique. Elle peut ainsi compenser un éventuel changement de la longueur du fil.
12) L’aérodynamisme.
Ce problème est sournois car très discret: un minuscule post-it collé sur le pendule m’a une fois anéanti l’effet de Coriolis durant une semaine sans que je n’y comprenne rien. Un peu de symétrie, que diable.
Les problématiques extrinsèques :
1) Eloigner tout matériel magnétique de 20 centimètres autour de l’aimant de propulsion.
2) Eloigner de 20 centimètres tout matériel amagnétique conducteur d’électricité situé sous l’aimant de propulsion (cuivre, laiton, bronze, aluminium, argent, etc.) pour éviter tout frein de Foucault.
C’est tout. Les autres phénomènes extérieurs comme le magnétisme terrestre, la proximité d’une montagne, les courants d’air, les chocs et la précision du lancement peuvent être considérés comme insignifiants. Par exemple, un choc sur le pendule lui fera faire un 8 dont l’axe est le centre : il se stabilisera très vite si l’amplitude est plus grande que l’anneau de Charron.
Le protocole de réglages.
On peut facilement se perdre en années de réglages (oui oui, en années !) si l’on ne respecte pas de méthode dans les interventions. Ce MiniFoucault est ainsi parti simultanément en ellipse, en arrière, s’arrêtait, restait coincé et ne faisait que ce qu’il voulait durant deux mois jusqu’à ce que les bons réglages soient effectués. Il n’y a qu’une seule règle pour ne pas se perdre: chaque modification doit pouvoir être archivée, réversible et prouvable.
Voici donc la méthode appliquée. Sur une feuille se trouvent huit colonnes. On y voit la date, l’heure, le sens de la potence, le sens du fil, l’angle de l’oscillation, celui de l’éventuelle rotation et son sens, la hauteur de l’anneau de Charon et le résultat. Les données sont relevées deux à trois fois par jour jusqu’à ce que le pendule tourne. Pour les réglages grossiers, je note les angles en minutes par pure facilité. Quand viendra l’heure des réglages fins, je le ferai en degrés.
Le protocole de mesure.
C’est un simple time-lapse couvrant un mois à raison d’une photo longue pose prise automatiquement chaque heure. Elle est prise par un Raspberry tournant sous Debian avec Allsky gérant les prises de vues.
Les mesures de temps de rotations.
Elles se constatent sur le time-lapse et couvrent toute la période entre le 1 et le 25 avril 2024. Nous y constatons 30 demi-rotations à la moyenne de 18,4 heures, soit 15 rotations complètes à la moyenne de 36.8 heures. Sous ma latitude, le MicroFoucault tourne donc 10% plus lentement que ce qu’il devrait.
Et maintenant ?
Ce pendule est installé dans le café de la Grenette à Sion, où il fonctionne en permanence.
Quelques comparaisons…
Si l’on prend la liste Wikipedia de tous les pendules de Foucault, la moyenne des longueurs est de 21 mètres pour un poids moyen de 100 kilos et un temps d’oscillation moyen de 9 secondes.
Une récente liste recense 297 pendules de Foucault dans le monde, dont 10 d’entre eux de moins de 2 mètres, et seulement 5 de moins d’un mètre..
Le MiniFoucault n°23 est le plus petit pendule de Foucault public et permanent jamais fait jusqu’ici. Les quatre autres pendules expérimentaux inférieurs à 70 cm connus jusqu’ici furent ceux construits par les laboratoires suivants:
– H. Richard Crane, en 1981 (département de physique d’Ann Harbor, Michigan), avec un pendule de 70 centimètres. (Am.J.Phys, Vol. 49, n°11, November 1981)
– D. Rae Carpenter et Richard B. Minnix (département de physique de Lexington, Virginie) en 1982 avec un pendule de 50 cm. (Phys. Teach. 21, 477–478 (1983)
– Haym Kruglak et S. Steele (département de physique de Kalamazoo, Michigan) en 1984, avec leur pendule de 25 centimètres. (TPT, Vol. 21, # 7, Oct. 1983)
– D.B. Plewes (départment de biophysique, Toronto, Ontario) en 2018, et son pendule de 65.4 centimètres. (Rev. Sci. Instrum. 89, 065112 June 2018)