Pendule de Foucault / Bravais. Tâtonnements et résultats.
Bravais n°1: novembre 2004:
Un ami m’avait parlé de l’expérience du pendule conique que Bravais avait fait 150 ans plus tôt, disant que je devrais m’y intéresser car elle n’avait été réalisée qu’une seule fois par Bravais lui-même et que personne ne l’avait reproduite. Elle était simple: un pendule conique placé sur un des pôles terrestres ne peut tourner à la même vitesse dans un sens que dans l’autre à cause de la rotation de la terre. Je décidai alors d’en faire un dans mon atelier, de manière empirique et sans aucune documentation. Intuitivement, je me disais qu’il tournerait plus vite dans le sens antihoraire car la Terre tourne justement dans ce sens dans l’hémisphère nord. (partant du principe que celui qui marche dans le sens d’un train qui roule va plus vite que quelqu’un assis ou qui reculerait)
Toutes les informations ci-dessous sont, comme d’habitude, données afin que celui qui tenterait la même expérience profite de mes erreurs en ne les reproduisant pas…



Stator fait avec trois électro-aimants disposés en triangle. Suspension murale. Fil acier de 0.24mm . Guide-fil en rubis. Mesures faites par coupure d’un rayon laser.
Résultat quand le pendule tourne 20 heures dans le sens contraire des aiguilles d’une montre (CCW):

Où l’on voit que la moyenne des temps de demi-rotations est de 0.9131412 seconde, soit 1,8262824 seconde.
Résultat quand le même pendule tourne 12 heures dans le sens des aiguilles d’une montre (CW):

Où l’on voit que la moyenne des temps de demi-rotations est de 0.9130998 seconde, soit 1,8261996.
La différence entre les deux est de 0.0000828 seconde.
Comme je croyais à l’époque qu’un pendule conique devait être plus rapide s’il tournait dans le même sens que la rotation de la Terre, j’ai pris cette expérience comme un échec.
Tous les autres essais montrant les mêmes résultats, je me suis alors dit que mon pendule était mal construit. Puis mon fils est né, et j’ai mis cette expérience en suspens pour passer à des choses plus importantes.
Septembre 2023: Bravais n°2
Reprise de l’expérience, ayant horreur des projets non finis.
Stator fait avec trois électro-aimants, disposés en triangle et réglables en écartement. Suspension cardan prise sur un niveau laser où est attaché un fil de fer de 1mm. Mesures faites par coupure d’un rayon laser. Ce proto m’a surtout appris la difficulté de réalisation d’un tel propulseur, qui provoque des oscillations elliptiques indésirables.
Comme les résultats restaient sensiblement les mêmes, j’ai de nouveau accusé la qualité de mon prototype et pensé qu’il fallait augmenter le nombre de propulseurs.
Octobre 2023: Bravais n°3

Résultat quand le pendule tourne dans le sens contraire des aiguilles d’une montre (CCW):

Où l’on voit que la moyenne des temps de demi-rotations est de 1.397278 seconde, soit 2.794556 seconde.
Résultat quand le pendule tourne dans le sens des aiguilles d’une montre (CW):

Où l’on voit que la moyenne des demi-rotations est de 1.397253 seconde, soit 2,794506 seconde.
La différence est de 0.00005 seconde, plus lente dans le sens antihoraire. Ce n’était pas du tout ce que j’espérais: cette expérience prouvait surtout que mon prototype devait être amélioré.
Février 2024: Foucault n°24 / Bravais n°4
Un combo pendule de Foucault / horloge et pendule conique.
Stator fait avec neuf électro-aimants, disposés en cercle et réglables en écartement. Mesures faites par coupure de rayon laser. Suspension par fil.

C’était une fausse bonne idée, l’expérience étant bâtarde. Les deux systèmes fonctionnent, mais ne sont pas pratiques si on veut les faire cohabiter car il faut remonter l’anneau de Charron pour laisser tourner le pendule de Bravais. Donc démontage pour en faire deux objets distincts.
Septembre 2024: Bravais n°5
Prototype monté sur suspension cardan de niveau laser et ensemble propulseur de 9 bobines montés en cercle. Echec.

Octobre 2024: (Mini)Bravais n°6
Pendule de 50 centimètres, balancier étain/plomb de 5 kilos, suspension par un cardan aiguille. Le propulseur est monté upside/down: l’électro-aimant est situé sous le balancier tandis que les aimants sont fixés en bas. Ne fonctionne pas de manière pas assez efficiente pour ce type d’expérience car il a tendance à faire systématiquement une ellipse après une période d’utilisation.

Octobre 2024: Bravais n°7
Ceci m’amena doucement au septième prototype: 9 propulseurs en étoile, suspension à cardan faite maison (photo), fil de 3.20 mètres de long en Invar, plateau aluminium (platine Thorens TD160) aux niveaux réglables au centième de millimètre, balancier de 2 kilos de laiton. Mesures laser prenant 2 échantillons par rotation, le rayon étant coupé deux fois par révolution.


… dont voici le premier résultat:

Eurêka. Voici enfin la preuve que mon intuition était fausse et que mes pendules coniques fonctionnaient parfaitement!
On voit sur ce graphique que le pendule tourne 12 heures dans le sens antihoraire (la partie gauche de l’image), qu’ensuite je le lance dans l’autre direction (la perturbations du centre) et qu’il se stabilise alors pour tourner plus rapidement dans le sens horaire durant 12 autres heures. Les ondulations sont dues à un effet d’ellipse continu et récurrent qui perturbe le pendule, mais seule leur moyenne compte.
Ci-dessous, les données du pendule tournant 20 heures dans le sens antihoraire:

Moyenne des demi-révolutions antihoraires: 1.757722 seconde
Et maintenant celles du pendule tournant 18.7 heures dans le sens horaire:

Moyenne des demi-révolutions horaires: 1,757608 seconde
Constatation au 16 octobre:
Moyenne des révolutions antihoraires: 1.757722 X 2 = 3.515444 seconde
Moyenne des révolutions antihoraires: 1,757608 X 2 = 3.515216 seconde
Moyenne des révolutions horaires et antihoraires: 3.515330 seconde. C’est le temps que mettrait mon pendule pour faire une révolution à l’équateur, quelqu’en soit le sens.
Différence entre les révolutions antihoraires et horaires: 0.000228 seconde.
Pourcentage du décalage entre une révolution sous ma latitude et une qui serait à l’équateur: 99.9967572%
Ce qui donne 5,6 secondes de décalage par jour sous ma latitude, qui retardent dans le sens antihoraire et qui avancent dans le sens horaire. Cette mesure, qui est indépendante de la longueur du balancier, doit bien sûr être encore confirmée par d’autres expériences.
Le temps était enfin venu de faire un combo Foucault / Bravais.
Novembre 2024: Combo Foucault (n°28) / Bravais (n°8)
Un pendule, deux expériences.
Conception et fabrication d’un anneau mobile éliminant l’effet elliptique d’un pendule de Foucault court. Ce n’est pas un anneau de Charron mais un anneau flottant autocentré: il consiste en deux disques aux diamètres intérieurs différents, placés sous le balancier et libres de bouger dans tous les sens. L’aimant vient effleurer le plus petit anneau à chaque fin d’oscillation, le déplaçant chaque fois d’un dixième de millimètre. Ceci fait que l’anneau est toujours parfaitement centré, que l’effet elliptique est bel et bien amorti et que ce système est beaucoup plus précis qu’un anneau de Charron.
Impression d’un ensemble propulseur de 9 bobines placées en cercle pour le Bravais et d’une bobine centrale pour le Foucault (photo lors de sa sortie de l’imprimante 3D), ainsi que d’un boîtier permettant de choisir la fonction « Foucault » / « Bravais » à l’aide d’un simple interrupteur.

1 novembre 2024: Lancement des tests en version « Foucault », dont les enregistrement des données devraient prendre 2 semaines.
Premiers résultats: voici la signature temporelle du pendule de Foucault durant 6.7 jours:

…Où l’on voit très bien la différence avec tous mes autres pendules de Foucault: il n’y a plus ces ondulations récurrentes qui montraient la position du pendule. Les variations que l’on voit ici sont dues à l’anneau flottant. Elles sont aberrantes d’un point de vue horloger, mais salutaires pour la course d’un pendule de Foucault.
Voici la vidéo du pendule tournant en version Foucault:
Si on décompose ce film image après image, on peut constater que les temps des 20 demi-révolutions sont de 16, 17, 16, 17, 17, 16, 16, 17, 16, 17, 16, 16, 16, 17, 16, 16, 17, 16, 16 et 17 heures.
Les temps des 10 révolutions complètes sont donc de 33, 33, 33, 33, 33, 32, 33, 32, 33 et 33 heures.
Le temps total de ces 10 révolutions est de 328 heures
La moyenne des 10 révolutions de ce pendule de Foucault est donc de 32,8 heures. Sous ma latitude, il aurait dû le faire en 33,13 heures. Ce pendule a donc tourné 1% trop rapidement sur une période de 16 jours.
En un mot, c’est le plus précis de tous mes pendules de Foucault: il indique ma latitude avec une erreur de 70 kilomètres vers le nord.
17 novembre 2024:
Essai n° 1: arrêt du Foucault, et lancement du Bravais tout en gardant le même disque flottant autocentré.
24 novembre 2024: Constatations
Les résultats des nouveaux tests confirment ceux d’octobre. Le graphique est complètement différent à cause de l’anneau flottant, mais le résultat est le même: le pendule tourne plus vite dans le sens horaire que dans le sens antihoraire.

Voici les moyennes de 18 heures du pendule tournant dans le sens antihoraire:

Et celles de 24 heures du pendule tournant dans le sens horaire:

Où l’on peut en déduire que:
La moyenne du pendule tournant dans le sens antihoraire est de 1.772608 seconde par demi-rotation, soit 3.545216 secondes par rotation.
La moyenne du pendule tournant dans le sens horaire est de 1.772498 seconde par demi-rotation, soit 3.544996 secondes par rotation.
La différence entre les deux est de 0.000220
Essai n° 2: lancement du Bravais dans les mêmes conditions pour confirmation, d’abord dans le sens anti horaire durant 24 heures, puis durant 24 heures dans le sens horaire. Le tout en gardant le même disque flottant autocentré.
27 novembre 2024
Résultat d’un lancer du pendule dans les deux sens durant 20 heures. Note importante: il a neigé et mon pendule, qui est accroché à une poutre du toit, est descendu un peu à cause du poids de la neige: le temps de rotation est donc sensiblement différent que lors de l’essai n°1

Voici les moyennes de 10 heures du pendule tournant dans le sens antihoraire:

Et celles de heures du pendule tournant 9 heures dans le sens horaire:

Où l’on peut en déduire que:
La moyenne du pendule tournant dans le sens antihoraire est de 1.7726269 secondes par demi-rotation, soit 3.5452538 secondes par rotation.
La demi-moyenne du pendule tournant dans le sens horaire est de 1.7725676 secondes par demi-rotation, soit 3.5451352 secondes par rotation.
La différence entre les deux est de 0.0001186
La moyenne entre les deux sens de rotations est de 3.5451925 secondes. C’est le temps que mettrait mon pendule pour faire une révolution à l’équateur, quel qu’en soit le sens.
Moyenne entre les révolutions antihoraires (CCW) et horaires (CW): 0.0000593 seconde.
C’est à 50 millionièmes de secondes du résultat de l’essai n°1.
3 décembre 2024.
Essai n° 3: lancement du Bravais dans toujours les mêmes conditions, d’abord dans le sens anti horaire durant 18.6 heures, puis 19.2 heures dans le sens horaire. Toujours en gardant le même disque flottant autocentré. Seule la température du lieu à changé.

Voici les moyennes du pendule tournant dans le sens antihoraire:

Et celles du pendule tournant dans le sens horaire:

Où l’on peut en déduire que:
La moyenne du pendule tournant dans le sens antihoraire est de 1.772803 secondes par demi-rotation, soit 3.545606 secondes par rotation.
La demi-moyenne du pendule tournant dans le sens horaire est de 1.772721 secondes par demi-rotation, soit 3.545442 secondes par rotation.
La différence entre les deux est de 0.000164
La moyenne entre les deux sens de rotations est de 3.545524 secondes. C’est le temps que mettrait mon pendule pour faire une révolution à l’équateur, quel qu’en soit le sens.
Moyenne entre les révolutions antihoraires (CCW) et horaires (CW): 0.00016 seconde.
8 décembre 2024
7ème essai:
Toutes ces expériences ci-dessus furent faites avec le propulseur enclenché et le pendule frôlant l’anneau flottant autocentré.
Pour que l’expérience soit vraiment pure, il faudrait que le propulseur ne serve qu’à maintenir une rotation du pendule à amplitude constante et libre de tout excentrage avant d’être éteint pour laisser tourner le pendule de par sa seule inertie.
Ceci devrait répondre à trois questions:
A: Quelle est l’influence perturbatrice du propulseur et de l’anneau flottant autocentré sur la course du pendule?
B: Quelle est la course CW et CCW du pendule une fois le propulseur éteint?
C: Quelles sont les différences entre les courses des pendules entretenus et libre?
Voici donc trois lancers dans le sens antihoraire, suivis par trois coupures de l’alimentation du propulseur.

…où l’on voit clairement que le pendule entretenu frôlant l’anneau flottant autocentré tourne à la moyenne de 1.772804 seconde par demi rotation, soit 3.545615 secondes par tour. Par contre, une fois libre, sa course devient plus lente et très stable pour maintenir la moyenne de 1.773315 seconde par demi rotation, soit 3.546630 secondes par tour.
Voici donc trois lancers dans le sens horaire, suivis par trois coupures de l’alimentation du propulseur.

…où l’on voit que le pendule entretenu frôlant l’anneau flottant autocentré tourne maintenant à la moyenne de 1.772757 seconde par demi rotation, soit 3.545514 secondes par tour. Par contre, une fois libre, sa course devient plus lente et très stable pour maintenir la moyenne de 1.773257 seconde par demi rotation, soit 3.546514 secondes par tour.
Conclusion:
Le pendule alimenté tourne en 3.545615 secondes CCW et 3.545514 secondes CW, soit une différence de 0.00010 seconde.
Le pendule inertiel tourne en 3.546630 secondes CCW et 3.546514 secondes CW, soit une différence de 0.00011 seconde.
Le pendule alimenté est plus rapide, moins précis, mais peut être testé sur de très longues périodes. Le pendule inertiel est plus lent, plus précis mais ne peut pas être testé plus d’une demi-heure avant de former une ellipse.
Les deux démontrent la rotation de la terre.
21 décembre 2024, 8ème essai.
« L’ennemi, c’est l’ellipse »
La course d’un pendule conique finit fatalement en ellipse, faussant ainsi toutes les mesures. Bravais faisait donc des pages de corrections mathématiques pour corriger cet effet elliptique et ainsi avoir un résultat exploitable. J’ai plutôt choisi de contraindre circulairement la course du pendule alimenté qui se retrouve ainsi accéléré d’un millième de seconde par rotation, et ce dans les deux sens.
Le 8ème essai se fait donc en mode automatique: pendule propulsé durant 5 heures, coupure du courant durant 10 minutes, puis pendule de nouveau propulsé durant 5 autres heures, puis coupure du courant durant 10 minutes… ainsi de suite durant 8 jours. Le pendule propulsé garantit des révolutions stables, libres de tout effet elliptique. Quand le courant est coupé, il continue proprement sa course durant dix minutes par sa seule inertie.
Le mode automatique permet les mesures libres de toute intervention externe durant un nombre illimité de rotation horaires ou antihoraires.
Résultat: le pendule inertiel tourne en 3.546592 secondes CCW et 3.546436 secondes CW, soit une différence de 0.00015 seconde.
Conclusion du total des 8 essais: Les révolutions du pendule sont toujours plus lentes dans le sens antihoraire et plus rapides dans le sens horaire, confirmant l’hypothèse faite par Bravais en 1851.
Les différences entre les révolutions antihoraires (CCW) et horaires (CW) durant les 8 expériences furent:
2 novembre 2004, avec un pendule de 0.83 mètre: 0,00008 seconde
21 octobre 2023, pendule de 1.93 mètre : 0,00005 seconde
16 octobre 2024, avec un pendule de 3,06 mètres : 0.00022 seconde
7 novembre 2024, avec un pendule de 3,12 mètres: 0.00022 seconde
27 novembre 2024, avec un pendule de 3,12 mètres : 0.00011 seconde
3 décembre 2024, avec un pendule de 3,12 mètres: 0.00016 seconde
8 décembre 2024, avec un pendule de 3.12 mètres: 0.00010 seconde (alimenté), 0.00011 seconde (inertiel).
21 décembre 2024: pendule de 3.12 mètres: 0.00015 seconde (inertiel).
Suspensions des combos Foucault/Bravais 28/8 (pointe), 29/9 (fil) et 30/10 (cardan):
